C'était au temps des jours heureux du lavoir de Flacy. Les femmes du village s'y réunissaient une fois par semaine pour laver leur linge au savon noir à grand coup de battoir, parlant fort, leurs rires adoucissaient la corvée. Chacune avait son histoire à raconter et les potins allaient bon train. Nous, les gamins, y pêchions des vairons et des chabots à la bouteille et au pain quand la place était libre.
Ce jour là les villageois rinçaient leurs fûts de châtaigner et leurs pommes dans le ruisseau qui coulait du lavoir vers la Vanne toute proche où s'était installé le pressoir. Mon grand père le béret incliné sur l’oreille droite, me faisait signe d’aller ramasser les pommes qui tombaient par terre et s’en amusait beaucoup.

La Vanne avec ses truites "bossus" était à l'époque entourée de grands espaces marécageux où il était imprudent de s'aventurer seul. Perdue au milieu des roseaux, que les gents d'ici appellent des "pilas", une source très pure jaillissait, bouillonnant dans le sable fin ou poussait ça et là du cresson . " La Bzate", riche en bancs de vairons énormes et de truitelles que nous faisions fuir au moindre bruit , serpentait ensuite entre les reines des prés et les pilas avant d’aller rafraichir la rivière.

Aujourd’hui, il n'y a plus de "bossus", rivière et sources ont subi tous les outrages et tellement souffert de l'irréparable !

Personne, en 2010, ne peut dire si, un jour enfin, elles pourront guérir de cette sale maladie honteuse qui les ronge.