"Snow White"

Veines écarlates sur mes jambes s’étirent, elles pulsent avec ardeur tant que je ne sens plus mes membres inférieurs, mécaniquement je marche, mais ce n’est pas sans peine.
Le carmin vire bleu sur la blancheur marbrée de mes cuisses, ma peau s’accessoirise des milles cicatrices cutanées, l’impression qu’au fer blanc on m’a marquée.
Le froid mordant rappelle un syndrome de post ébullition.
Un corps nu immergé dans une eau à 40 ° rougit de même façon pour peu qu’on s’attarde dans l’écume vaporeuse et suffocante de la salle de bain.
L’hémoglobine diluée fait trembler ma main qui se pose en signe de repos sur un carreau parme et froid.
De toi à moi, les bulles de savons dansent sur ta peau comme elles rigolent sur la mienne en un clapotis duveteux.
Mais à des kilomètres de là j’ai perdue ta trace que la neige narquoisement efface.
Je me loverais bien dans tes bras mais seul l’étreinte givrée s’offre à moi.
Je m’endors nue pour seul parure un manteau blanc de fourrure hivernal qui demain vaudra que dal.

Céline 2010

 

"Réminiscence"

Une note après l’autre,
Un arpège, une gamme, une mélodie,
Impulsivement mes yeux se ferment, un mouvement machinal, presque mécanique.
Une nécessité instinctive ?
Je me laisse galvaniser par cette harmonie de sonorités désenchainées,
Absorbée et distraite, je reste néanmoins attentive à l’amplitude de ma respiration,
Une pulsion plus aiguë à chaque intonation,
Une masse invisible comprime mes poumons,
Manquant de laminer ma cage thoracique à chaque inspiration,
Mon sang s’épaissit, se repaît de mon ivresse,
Cette liqueur de vie qui martèle avec vigueur ma jugulaire,
Ne ménageant pas la douleur.
Je me dis aguerrie, inexpugnable des choses les plus touchantes,
Mais il suffit d’un mot, plus frénétique que tous les autres
D’une pensée impérieuse, d’une litanie hydrophile,
Et je ne peux me refuser à une brasse coulée dans le passé,
Sans pour autant laisser à la mélancolie le plaisir de se louanger de sa victoire
La nostalgie: un analgésique à mon excès de vicissitude et d’agitation…
Cependant, parce que je cultive l’antagonisme,
La léthargie ne m’estampera pas,
Le passé est construit de regrets,
La vie est une toile tissée de remords,
Abstraction faite du présent, j’appréhende l’avenir,
Besoin d’une promenade sur le chemin des temps révolus,
Une balade pour me reconsidérer,
Ne plus avoir peur de l’agréable, ne plus craindre la félicité,
Ne plus s’agenouiller au pied de ses états d’âmes,
Aspirer à une quiétude entre avoir été, être, et devenir.

Céline 2010

 

"Le petit lit "

« Me voilà dans le grenier, moi un si beau lit, me retrouver ici, dans la poussière.
Quelle humilité !
Je ne sers plus que de trempoline pour les souris. En plus j'ai froid, il n'y a point de chauffage dans cet endroit si vaste et vide, où l'on pourrait presque entendre notre écho !
Je n'ai personne à qui parler si ce n'est avec les quelques araignées qui tissent des toiles sur les dentelles du petit drap qui me recouvre. Et je ne vois presque rien, le peu de lumière qui passe entre les tuiles du toît ne me suffit pas.
Ah, qu'ai-je fait pour me retrouver là !
Pourtant il me semble ne pas avoir déplu ?
J'étais si bien avant dans ma petite chambre où le chauffage était mon ami, ainsi que le bureau et la petite table basse. La plupart du temps, je dormais, mais quand venait le soir je me gonflais d'air pour être plus doux et agréable. Puis j'attendais que ma propriètaire arrive et vienne se coucher. C'était une petite fille d'environ sept ans, les cheveux blonds et bouclés et un rire si joyeux. Cela me manque de ne plus l'entendre! Ses histoires aussi me manquent, les jolis contes qu'elle racontait à son chat; ceux que sa maman, aussi, lui lisait pour qu'elle s'endorme sur mon dos moelleux.
Mais maintenant c'est fini ce bon temps, les ronrons du chat et les aboiements du chien qui courrait autour de moi. Non plus rien de tout ça ne se reproduira plus, je crois bien que mon histoire s'arrête là. Je finirai toute ma vie ici, dans ce grenier... »

Céline 2006